Interview de Julien Coup: L’aïkido une voie d’exploration

Julien est un des plus anciens élèves de Léo Tamaki, avec qui il anime aujourd’hui plusieurs stages durant l’année. Pratiquant doué et enseignant au club d’Aïkido d’Argenteuil, il est un des principaux membres de l’école Kishinkaï Aïkido. Mais au-delà de sa vie d’enseignant, Julien est un chercheur, qui consacre la plupart de son temps libre à la pratique.

Du travail de l’Aïkido, à la pratique du Shinbukan , Julien a eu l’occasion de travailler avec des maîtres tel que Tamura Nobuyoshi, Hino Akira, Kono Yoshinori et suis régulièrement Kuroda Tetsuzan.

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Photo de Sébastien Chaventon

Julien est un de mes Sempaï au sein de l’école et a toujours su donner à chacun le maximum pour nous aider à aller au bout de nous même. Chaque rencontre est un vrai plaisir, car il sait apporter avec précision des éléments pour permettre à chacun progresser. Je vous propose donc aujourd’hui de le découvrir à travers cette interview.

Julien, peux-tu nous parler de ton parcours martial ?

J’ai commencé l’Aïkido à 16ans, ici à Herblay. A l’époque c’était un professeur qui s’appelait Emmanuel Lucien.

A 18 ans j’ai dû arrêter durant deux ans, suite à un déménagement. Il y avait un club d’Aïkido à côté de chez moi mais leur pratique ne m’avait pas vraiment plus, j’ai finalement trouvé un club de Yoseikan Budo, cela m’a plu, j’y suis resté deux ans. Puis j’ai repris l’Aïkido plus sérieusement à 20 ans avec Léo Tamaki.

Je suis allé vers l’aïkido car je recherchais un art martial où l’idée d’écraser l’adversaire n’était pas primordiale. J’avais fait un petit peu de sport de combat mais je n’avais pas trouvé ce que je voulais. En fait c’est en regardant un documentaire s’appelant « les arts martiaux du Japon » de Michel Random que j’ai découvert cette école. J’ai alors vu la démonstration d’Aïkido faite par Kisshomaru Ueshiba et Seïgo Yamaguchi et ce fût un peu comme une révélation ! Je me suis dit « c’est ce que je veux faire ! »… tout simplement.

Qu’est-ce qui t’as particulièrement plu en voyant cette démonstration ?

J’ai adoré le côté « je contrôle, en restant relax, mes adversaires ». C’est un peu cette impression que mes yeux de 16 ans ont eu en regardant cette vidéo. Voir ce petit homme assez frêle en contrôler un, puis deux autres en restant toujours maître de la situation je pensais avoir découvert l’art Ultime !

Esthétiquement il y avait aussi quelque chose qui sortait de l’ordinaire, d’assez joli à regarder, qui m’a touché plus que les autres disciplines.

Le premier contact que j’ai eu avec l’Aïkido, est un contact visuel.

Tu as donc commencé la pratique à la suite du visionnage de cette vidéo ?

Ça a été le phénomène déclencheur, exactement !

Quand as-tu rencontré Léo dans ton parcours ?

Quand je suis revenu à d’Herblay, après ma pause Yoseikan budo, je voulais peut être m’orienter vers un autre art type Karaté mais je n’étais pas encore fixé. J’hésitais car justement après avoir testé l’Aïkido et être retourné vers un travail plus de contact comme il y en a en Yoseikan, je n’étais plus aussi sûr que cela me plaise.

J’ai croisé un ancien camarade de pratique qui m’a dit « viens voir quand même, car c’est un prof qui vient du Japon, il est bien ». Cela ne me coutait rien d’essayer, je suis donc allé au dojo et j’ai fait la rencontre de Léo. J’ai accroché tout de suite. Sa pratique m’apportait les éléments qui, à mon sens, faisaient défaut dans les styles d’Aïkido que j’avais pu tester ailleurs.

Photo de Johann Vayriot

Photo de Johann Vayriot


Par rapport à ton expérience du Yoseikan Budo, y a-t-il des éléments que tu as gardés dans ta pratique ou est-ce quelque chose que tu as complètement mis de côté?

Ce que j’ai conservé du Yoseikan Budo, c’est essentiellement le travail de Randori libre debout comme au sol. Aujourd’hui je ne travaille plus les katas, cependant l’approche de la pratique qu’ils contiennent m’a apporté une certaine ouverture d’esprit. Ce qu’a créé Mochizuki Senseï est très intéressant mais à la fois très différent de l’Aïkido que nous pratiquons.

Au final ce ne sont pas tant les formes que l’état d’esprit holistique du Yoseikan qui m’a marqué profondément.

Que t’a apporté Léo dans ta pratique ?

Léo a réussi à fixer des objectifs toujours supérieurs les uns aux autres. Je suppose que ce qui fait que tu quittes un professeur ou un dojo, mis à part un déménagement, une blessure…, c’est le fait que tu finis par te lasser. A un moment donné tu as fait le tour, tu n’as plus l’impression d’évoluer. Donc à moins que tu trouves satisfaction en répétant tout le temps la même chose, généralement tu quittes le dojo.

Léo a toujours su placer la difficulté une barre au-dessus, à chaque fois qu’il voit que tu comprends un exercice il passe à l’étape supérieure. Bien entendu lui-même est en perpétuelle évolution ainsi il trouve toujours de quoi enrichir sa pratique et la nôtre avec.

Comment se traduisait donc l’entrainement avec Léo quand tu es arrivé ?

C’était beaucoup plus physique, c’était martial mais plus adapté aux jeunes.

Peux-tu nous parler de l’évolution de ses cours?

Au départ nous faisions des entrainements basiques d’Aïkido mais de façon assez intense avec des séries d’Ukémi, de travail de Suburi. Je me rappelle qu’en début de saison, chaque cours d’armes débutait par des séries de 1000, 1500, voir 2000 Suburi. On avait souvent les jambes qui brûlaient et au cours d’après, généralement, il y avait moitié moins de monde…

Çà faisait disparaitre une partie des pratiquants qui, je pense, prenaient peur ou devaient se dire : « si c’est comme ça toute l’année je ne vais jamais tenir !». Puis finalement on travaillait sur d’autres choses mais on avait une pratique beaucoup plus puissante, plus physique.

Aujourd’hui, nous nous entrainons toujours intensément mais pas de la même façon. Nous recherchons une manière différente d’utiliser notre corps. La pratique que Léo a développé avec les années et à laquelle je suis passé aussi est désormais basée sur une meilleur utilisation du corps. Elle priorise la qualité des mouvements plus la quantité. Même si il faut être capable à moment donné de tenir un certain rythme ce n’est plus l’essentiel de notre entrainement.

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Photo de Patrice Demory

 

Aujourd’hui, pour toi, que vaux-t-il mieux développer ? Un travail puissant, souple ou les deux ?

Ça dépend de chacun, de ton physique mais également de ta façon d’envisager la pratique. Cela dépend aussi de ce que tu recherches personnellement.

Nous confondons souvent force et puissance. Un travail souple avec une utilisation correcte du corps, peut également déboucher sur un travail du corps très puissant. Ce ne sont pas du tout des formes de travail antinomiques.

Encore faut-il savoir de quoi on parle lorsque l’on parle de puissance. Lorsque je parle de « souple » c’est vraiment dans le sens de légèreté et de connexion entre les différentes parties du corps. Le terme de puissance n’est pas pour moi synonyme de force musculaire brute.

L’idéal étant d’avoir une expérience des différentes pratiques pour pouvoir faire son choix en connaissance de cause.

Léo devait partir régulièrement au Japon non ? Du coup comment se passait les entrainements ?

Pas au début mais après oui, il a déménagé de nouveau pour vivre une partie de l’année au Japon c’était en 2004 ou 2005 je crois. Il faisait des aller-retour. C’est à ce moment qu’il a rencontré Maître Kuroda et que sa pratique a commencé à vraiment se modifier.

Il y a d’ailleurs, une partie des élèves qui sont partis suite à cela, des anciens qui étaient là avant que Léo reprenne le dojo, qui pratiquaient vraiment différemment. Le changement a dû être trop difficile, je pense. Son Aïkido était alors en « construction » si je puis dire. Aujourd’hui Léo a atteint une forme qui est sienne, qui continue d’évoluer mais toujours dans le même sens, dont les fondements sont posés. A l’époque, c’était vraiment de la recherche, la remise en question de tout un système.

Comme je l’ai dit certains élèves n’ont pas suivi ou avaient besoin de quelque chose de plus « concret ». Les gens ont besoin de cela, lorsque l’on est trop dans la recherche ce n’est pas évident pour les élèves de suivre. En même temps c’était une étape nécessaire de remise en question du travail sans quoi nous n’en serions pas là aujourd’hui !

Qui donnait les cours lorsque Léo était absent ? Est-ce qu’il n’y avait pas un contraste entre le moment où il donnait cours et le moment où il partait ?

Il y avait Isseï essentiellement. Je remplaçais de temps en temps aussi. Oui entre les deux pratiques d’Isseï et Léo il y avait et il y aura toujours un contraste puisque ce ne sont pas les mêmes personnes ! Ils ont chacun leur sensibilité, comme nous avons chacun la nôtre. Il en résulte forcément des différences dans les formes, les choix techniques, la manière de les aborder. Cependant, et c’est le plus important, ils suivaient et suivent toujours une même ligne directrice. La même ligne dans laquelle je crois que toi, moi, Tanguy et par extension les élèves du Kishinkaï se reconnaissent aujourd’hui.

Isseï Tamaki

Isseï Tamaki


Par rapport à ce que tu avais fait avant d’arriver au dojo, qu’est-ce que l’Aïkido, l’enseignement de Léo, t’ont apporté?

D’un point de vue technique cela m’a fait progresser sur des choses que je ne connaissais pas. C’est le lot de chaque apprentissage. Quel que soit la pratique, si tu t’investis dans quelque chose et que tu le fais sérieusement à priori tu évolues. Tu assimiles des connaissances.

Mis à part l’aspect technique l’Aïkido m’a aidé à progresser humainement. J’étais très nerveux et ça m’a énormément calmé. L’Aïkido m’a guidé dans une période de ma vie où je ne savais pas forcément où j’allais, j’ai appris à poser les choses. Il m’a aidé à mieux me connaître et je suppose à m’améliorer. C’est un des aspects importants de l’Aïkido. C’est une voie d’exploration de soi.

Léo a publié un article sur son blog où il parle de la qualité de ton travail de Uke. Tu apparais à plusieurs reprises en tant que Uke lors de ses démonstrations, notamment à la Nuit des Arts Martiaux, à Bercy, quelque part tu fais partie des personnes sur qui il peut compter pour pouvoir démontrer le meilleur de son travail. Quelles sont pour toi les qualités d’un bon Uke ?

Je pense que tu loupes quelque chose si tu ne saisis pas bien le rôle de Uke. L’Aïkido, du moins tel que nous le pratiquons, est basé sur un travail de lecture de l’intention de l’attaquant. Avant d’arriver à ce point il faut éduquer le corps à écouter ce qui se passe chez l’autre. Nous devons arriver à comprendre instantanément où il veut en venir pour pouvoir reprendre le contrôle de la situation à son insu.

Maître Tamura n’expliquait rien sur le rôle de Uke, comme O Senseï. Il donnait juste des indications en nous disant qu’il fallait être relâché, ne pas forcer, mais il n’insistait pas autant sur cette notion du rôle de Uke, du moins cela ne m’a pas marqué. C’est plutôt avec des personnes comme Toshiro Tsuga senseï, Léo, Isseï, que j’ai pu évaluer l’importance du travail de Uke.

D’ailleurs dans les Koryus (écoles traditionnelles), les anciens élèves prennent le rôle de Uke en premier. C’est un rôle important, car Uke est celui qui guide le travail des débutants. C’est par lui que passe la transmission correcte des formes. Malheureusement Uke est trop souvent considéré comme un rôle passif.

Léo et Julien, photo de Sébastien Chaventon

Léo et Julien, photo de Sébastien Chaventon

Quand as-tu rencontré Kuroda SenseÏ ? Qu’est ce que cela t’a apporté ?

Je l’ai rencontré la première fois que Léo l’a fait venir en France et ensuite au Japon. Avant de le rencontrer Léo avait commencé à modifier son travail mais je ne voyais pas toujours bien où il voulait en venir !

Le fait d’avoir rencontré Kuroda Senseï, m’a permis de comprendre pourquoi Léo avait changé certaines choses dans sa pratique au départ. Par la suite cela a aussi éclairé de nombreux Kata d’Aïkido que je ne comprenais pas certainement à cause de modifications trop importantes dans la leur transmission du passé jusqu’à nos jours.

D’une manière générale le Shinbukan même si il ne s’agit pas du tout d’Aïkido m’a permis de réaliser pourquoi certaines choses étaient possibles grâce à la modification de notre utilisation du corps.

Julien avec Kuroda Senseï

Julien avec Kuroda Senseï

Si tu avais à décrire Kuroda Senseï en quelques mots ?

En quelques mots, sans rentrer dans les clichés, c’est un samouraï du 21ème siècle, bon ok on est dans le cliché mais qu’à moitié^^.

Plus sérieusement il est héritier de plusieurs écoles et de façon plus large d’une tradition séculaire. Il est dépositaire d’un savoir qui a traversé les temps et qu’il enrichit par ses propres recherches.

Ce qu’il partage avec nous lors des stages est son trésor familial ni plus ni moins. Il nous le transmet avec fierté et exigence. Il faut remettre les choses dans leur contexte et se rendre compte que ce genre d’échange, d’un milieu traditionnel japonais fermé avec des occidentaux, est très récent. Je le remercie sincèrement pour cela.

A ce sujet, quelle vision des samouraïs du passé a-t-il? Comment les décrit-il ?

C’est une question qu’il faudrait lui poser ! Néanmoins Kuroda senseï parle souvent de son grand père et des élèves de l’époque de celui-ci ou d’avant. Ce qu’il explique est simple et assez logique : le niveau de l’école était bien plus exigeant (3 ans à faire le même Suburi…), le temps que l’on pouvait consacrer à la pratique était sûrement plus important aussi, par conséquent les élèves remarquables étaient plus nombreux.

Évidemment les qualités que Kuroda senseï prête aux adeptes du passé semble incroyable pourtant, lorsque c’est lui qui en parle, étant donné ce qu’il est lui-même capable de réaliser, on y prête foi plus aisément.

Kuroda Senseï, photo de Frédérick Carnet

Kuroda Senseï, photo de Frédérick Carnet

Tu disais que tu étais parti au Japon pour suivre son enseignement ? As-tu rencontré d’autres maîtres ?

Oui j’y suis parti deux fois. Nous avons rencontré les maîtres qui viennent régulièrement en France, Hino Senseï, Kono Senseï, Akuzawa Senseï, Shimizu Senseï.

Julien avec Kono Senseï

Julien avec Kono Senseï


Comment se traduit la pratique dans les dojos Japonais ?

C’est très différent en fonction des dojos. Il y a les Koryus comme chez Kuroda Senseï , le cadre est celui d’une école traditionnelle, où tous les élèves sont très attentifs au moindre détail. Il y a un Reïshiki qui est très présent et qui amène une ambiance assez « scolaire ».

Chez Hino Senseï, par exemple c’est différent, le Reishiki est présent aussi mais l’ambiance est plus détendue. L’influence des milieux artistiques qu’il côtoie régulièrement doit sûrement y jouer un rôle.

De manière générale les points communs que l’on retrouve sont le respect de l’étiquette, le savoir vivre et le savoir être, typiquement japonais, même si d’un dojo à l’autre les atmosphères peuvent être très différentes. Je crois que cela dépend vraiment du dojo et de l’enseignant.

Julien avec Hino Akira Senseï

Julien avec Hino Akira Senseï


A travers l’enseignement de Kuroda Senseï, que tu suis régulièrement, comment réintègres-tu les principes dans ton aïkido ?

En fait, au début j’essayais de les « reproduire », en sachant que je ne pouvais pas utiliser les katas de l’école pour cela. Donc j’essayais de garder les principes en les intégrant de force à certains moments. Cela ne marchait pas vraiment et je ne savais pas trop comment m’y prendre autrement. A partir d’un moment j’ai stoppé ce processus et naturellement les choses se sont mises en place.

Du coup je ne peux pas dire que je « réintègre » les principes mais plutôt qu’ils arrivent d’eux-mêmes quand mon corps les a intégrés. Évidemment il a fallu quelques années avant que cela ne soit possible !

Dans ton enseignement c’est quelque chose que tu essaies de faire passer à tes élèves ?

Oui.

L’école de Kuroda Senseï est une école de sabre traditionnelle, j’imagine donc que la pratique des armes a une place importante dans ta pratique. Quelle place accordes-tu aux armes dans ton enseignement ?

J’ai mis en place un cours d’armes par semaine, afin de consacrer du temps à la pratique des armes. J’utilise aussi régulièrement les armes pour expliquer le travail à mains nues car notre pratique est en partie issue du travail du sabre. Le lien entre les armes, le sabre notamment, et le travail à mains nues était très présent aussi dans le travail de Tamura Senseï.

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Lors des cours, de stages ou sur les forums, on rencontre beaucoup de traditionalistes, qui prônent le fait qu’il ne faut pas changer l’Aïkido d’Osenseï. Quel regard poses-tu sur cette idée de conservation ?

Dans le cadre d’une Koryu comme celle de Kuroda Senseï, que l’on préserve les kata me paraît normal.

Dans le cadre de l’Aïkido, où il n’y a absolument rien qui a été figé par le fondateur, je trouve étrange de vouloir se positionner en défenseur d’une forme particulière. D’autant que hormis les Uchi-Deshi qui lui ont succédé, et qui sont eux même à l’origine de courants très divers, je ne vois pas qui peut se réclamer de la forme « d’Aïkido d’Osenseï ».

A partir du moment où les fondements de la discipline sont présents (travail à mains nues, aux armes, Taninzugake, travail sans utiliser la force brute pour faire fonctionner les techniques etc) et que le message d’Osenseï continue de perdurer, il est naturel que les choses changent.

D‘ailleurs lorsque l’on regarde les photos et vidéos d’Osenseï, on voit que sa pratique n’a cessé d’évolué et tout comme celle de ses élèves.

Le risque, vu qu’il est difficile de cloisonner la pratique de l’Aïkido, est qu’il peut y avoir des dérives.

Pour toi qu’est-ce que l’Aïkido ?

Comme je l’expliquais à l’instant, compte tenu de la volonté d’Osensei de ne pas formaliser les choses, il n’est pas évident de donner une définition unique. Je dirai que, pour moi, l’Aïkido est une forme de Taïjutsu poursuivant un objectif « humaniste » si je puis m’exprimer ainsi ou, plus simplement, un Budo avec toute la dimension que ce terme englobe.

D’un point de vue pragmatique nous travaillons différentes techniques sur différentes formes d’attaques, dans un panel assez large, somme toute, qui en fonction des aspirations des Uchi-Deshi successeurs d’Osenseï, ont pu varier énormément dans leur forme.

Par exemple le courant que nous suivons avec Léo, insufflé par Tamura Senseï sur la base d’un Aïkido assez fin et avec des formes plutôt courtes, n’est pas celui de Christian Tissier qui lui est plutôt originaire de la pratique du Doshu Kishomaru Ueshiba et de Yamaguchi Seïgo. Cela ne veut pas dire que l’un est meilleur que l’autre. Ce sont simplement des expressions différentes d’un art commun qui évolue avec la sensibilité de chacun.

De même le Kishinkan Aïkido que Léo a créé est le fruit de ses années passées à suivre Tamura senseï et de ses recherches auprès d’autres maîtres tel que Kuroda senseï, Hino senseï, Kono senseï…

Peut-on affirmer pour autant que ce n’est pas de l’Aïkido car ses influences ne sont pas purement Aïkido ? C’est oublié, même nié, le parcours très riche d’Osenseï qui fût Menkyo Kaiden de plusieurs écoles, étudia de nombreuses pratiques, avant de fonder sa propre école.

D’un point de vue plus spirituel, philosophique, tous les pratiquants se rejoignent autour d’un message commun et c’est ce qui a, aussi, fait le succès de l’Aïkido, je pense. Le message de paix, de résolution des conflits de la façon la plus pacifique possible est assez intense et transparait dans la finalité des techniques. Y ajoutant la stricte interdiction de la compétition, Osenseï a fait de l’Aïkido une école unique en son genre.

Par la suite divers courants se sont développés et en fonction des écoles l’accent sera plutôt mis sur l’aspect technique ou l’aspect spirituel voir l’aspect santé.

 

Actuellement tu donnes beaucoup de stage en France, des stages communs avec d’autres enseignants, également à Valencia en Espagne. Comment s’organise le travail que tu proposes lorsque tu vas donner un stage ?

De la même façon que lorsque je donne cours, cela dépend des personnes présentes et de ma recherche du moment.

Avec des pratiquants qui connaissent déjà le travail que tu fais, tu peux t’exprimer plus directement, approfondir la technique. Lorsque ce sont des personnes qui viennent pour la première fois, il faut d’abord faire comprendre le sens du travail proposé. Une fois cette étape passé on entre dans une dimension plus ludique et studieuse à la fois.

Il n’y pas de règle établie. Comme ce sont des stages ouverts à tous, cela dépend vraiment du public. La seule consigne que je garde en permanence à l’esprit c’est « comment faire pour que chaque élève reparte avec au minimum une chose à travailler ? » si je réussi cela mon travail est accompli.

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Photo de Patrice Demory

 

En termes de pédagogie comment abordes-tu les choses dans tes cours ?

Avec une batte ! (rires) Non, tout simplement, comme je le disais juste avant, les cours ne sont jamais les mêmes, tout dépend de ce que j’ai envie de faire travailler. Le cours évolue selon ce que je vois de mes élèves. Si un mouvement me semble incompris alors je reviens dessus.

Cependant avec les années mon enseignement se structure de plus en plus. Aujourd’hui en début de saison je travaille beaucoup les bases avec un nombre limité de techniques à travers lesquelles nous apprenons ou révisons en fonction du niveau de chacun. Je ne cherche pas à faire retenir des enchainements de techniques complexes, j’essaye plutôt de travailler sur les principes de fonctionnement de quelques techniques par la modification du corps.

Par la suite nous continuons ce travail en y ajoutant une partie d’entraînement plus libre à tous les niveaux (mains nues, armes, à plusieurs attaquants etc…). A mesure que l’année avance je passe plusieurs fois de l’un à l’autre. J’ai remarqué que c’était important de pouvoir mettre à l’épreuve les compétences acquises dans un cadre en dehors de ce dernier. Bien entendu c’est plus facile à dire qu’à faire ! L’idée c’est de s’extirper du moule pour pouvoir y retourner avec les idées neuves et en approfondir la compréhension.

Actuellement sont soulevés les problèmes des fédérations. A travers ton parcours tu as pu observer le fonctionnement de la fédération FFKADA et FFAB. Quel regard poses-tu sur ces divers problèmes de fonctionnement ?

Pour être très franc, je ne m’intéresse absolument pas à tout cela et c’est sûrement un tort ! Le problème est que j’occupe un emploi en 35 heures en parallèle, comme beaucoup, je dispose donc d’un temps limité pour m’entrainer et enseigner. Du coup je n’ai pas vraiment de temps à consacrer à tous les problèmes qui se passent au niveau administratif.

Mais pour te répondre je dirai que les histoires de fédérations et de pouvoir, d’interdiction d’accès à des stages sous prétexte que l’on vient de telle ou telle fédération, je trouve cela déplorable et ridicule. Nous sommes déjà une minorité peu reconnu face à tous les sports ultra-médiatisés. Si en plus nous n’arrivons pas à nous entendre à notre petit niveau c’est la mort assurée!

 

Léo a quitté la FFAB il y a peu de temps, et avec lui vous avez donc mis en place le groupe Kishinkaï Aïkido. Quel est le but de ce groupe ?

Aujourd’hui notre pratique est devenue trop différente de celle enseignée par les cadres de la FFAB. Il est logique, lorsque qu’un enseignement diffère beaucoup du standard démontré, un nouveau groupe se créé.

Nous aurions pu rester à la FFAB seulement mais cela n’avait pas grand intérêt au final dans l’état actuel des choses. Dans l’absolu ce qui m’importe c’est de voir notre groupe évoluer pour que nous puissions nous entrainer un peu partout en France avec des pratiquants partageant le même objectif.

L’objectif du Kishinkaï est donc de réunir les pratiquants qui suivent l’enseignement de Léo, élèves comme enseignants, en un groupe structuré pour pouvoir agir de manière autonome et développer notre école.

A travers l’enseignement de l’Aïkido, que souhaites-tu faire passer à tes élèves ?

Je souhaite, si possible, que par l’entrainement que je propose, mes élèves découvrent plus qu’une simple forme technique et une manière de se défendre. J’aimerai que l’approche technique de concepts comme Awase et Musubi, par exemple, les aides à être plus en phase avec leur entourage, leur environnement en général. L’Aïkido m’a énormément apporté et j’aimerai pouvoir transmettre aux autres ce que j’en ai compris J !

Merci Julien pour tes réponses

Merci Alex

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