Yashima magazine : Okuden 奥伝 – la transmission d’éléments profonds

Au sein des traditions martiales japonaises existent divers degrés d’enseignement assurant la transmission des principes et secrets de l’école selon un ordre logique et établit. À l’origine réservé à une poignée d’initiés, Okuden figure parmi les dernières étapes d’apprentissage et de formation.
Okuden, la transmission profonde
Okuden est constitué de 2 kanji :
- 奥 : Oku, signifiant fond, intérieur. Kanji que nous retrouvons dans nombre de mots liés à aux notions de dernier, fond, profondeur :
– 奥付 okuzuke : dernière page d’un livre
– 奥底 okusoko : fond, profondeur
– dans les maisons traditionnelles, oku désigne également la chambre du maître des lieux réservée à celui-ci et son épouse
- 伝 : Den, qui compose le verbe tsutaeru 伝える signifiant transmettre, informer et que nous retrouvons dans des mots faisant appel à ces notions :
-伝言 dengon : message
-遺伝 iden : hérédité
-伝承 denshō : transmission (d’une tradition)
– 秘伝 hiden : secret
Okuden est donc la « transmission profonde des enseignements essentiels, au sens caché, c’est-à-dire okugi, higi » Tamura Nobuyoshi, Etiquette et transmission.
Okuden : techniques secrètes ?
Chaque école traditionnelle possédait son enseignement secret parfois divulgué de façon oral à quelques élus, ou dans des écrits denshō, compréhensible seulement pour celui qui en avait reçu les clés. Toutefois, à l’aune de la popularisation des traditions martiales et de leur développement au plus grand, le système traditionnel de transmission, Shōden / Omote – Chūden / Nakama – Okuden, tend à disparaître dans sa forme structurelle (bien qu’existant encore dans certaines écoles) laissant parfois les adeptes seuls face à leurs propres progressions et interrogations.
Pour autant, la définition donnée par Tamura sensei, nous donne quelques indicateurs quant à cet élément parfois ésotérique. Comme précisé, il s’agit d’une « transmission profonde des enseignements essentiels au sens caché ». Il ne s’agit donc pas tant de techniques secrètes, puisqu’il arrive que dans certaines écoles, la première série des oku ou hiden, corresponde au premier mouvement enseigné au débutant, comme le précise Pascal Krieger dans son article. Alors, de quoi s’agit-il réellement?
Du visible vers l’invisible
Quelle que soit l’activité, il existe toujours de façon explicite, et implicite, différents degrés de lecture. Chacun en aura sans aucun doute fait l’expérience en lisant un même traité à plusieurs reprises pour se rendre compte que celui-ci nous révèle progressivement, au regard de nos progrès, une part de ses enseignements.
Bien au-delà de la notion de technique secrète au sens de techniques extraordinaires, la notion d’okuden se présente comme la face cachée, invisible, des choses au sens de profondeur. Au fil de nos entrainements, la face visible omote 表, laisse progressivement la place à un nouveau regard, de nouveaux éléments de progression dépassant le simple cadre de la forme et de la gestuelle.
Toutefois, quelle place occupe cette notion selon les écoles ? S’agit-il d’un secret bien gardé ou imprègne-t-elle implicitement chaque élément constituant l’enseignement d’une école ? Pour finir, quels éléments d’apprentissage nous révèle okuden ? Comment y accéder ?
Sujet complexe mais au cœur des traditions martiales japonaises, il nous a semblé important d’aborder cette notion dans une période difficile qui nous a toutes et tous éloignés temporairement de nos lieux d’études, mais qui nous a toutefois permis de nous concentrer au quotidien sur l’essentiel des choses.
Nous espérons que ce thème vous apportera autant de plaisir en le parcourant que nous en avons eu à travailler sur ce nouveau numéro.
Retrouvez dans ce numéro :
- OKU-DEN : La transmission d’éléments profonds, secrets – Pascal Krieger
- Adret, ubac : les deux versants – Richard Folny
- Okuden, cheminer vers la libération du pratiquant – André Cognard
- Okuden, quand l’invisible devient visible – Lionel Froidure
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