Yashima magazine: Reishiki 礼式, l’expression du cœur de chaque budoka

Chaque culture possède un ensemble de règles, de codes de conduite, que nous pourrions assimiler à une forme d’éthique recouvrant l’ensemble des conduites morales. Au Japon, cette éthique est d’une importance capitale dans la relation de chaque individu au monde qui l’entoure. En somme, elle constitue un socle déterminant dans chaque interaction sociale, dont le salut est certainement l’un des points les plus représentatifs de l’imaginaire populaire lorsque l’on évoque la culture japonaise.
Naturellement, ces règles de bienséance imprègnent profondément chaque discipline d’origine japonaise. L’inclinaison du buste en guise de salut, le salut du lieu, de l’enseignant, de ses partenaires, le dépôt des armes d’entrainement d’une façon spécifique en fonction du Kamiza, notre positionnement dans le lieu, etc., sont autant d’étiquettes qui accompagnent chaque pratiquant dans son quotidien. Toutefois, l’emploi du terme « règles » semble bien réducteur comparativement à ce que nous donne à vivre le concept de reishiki 礼式.
Resihiki, le respect par l’expression de la forme
Rei 礼 signifie vénérer, respecter, saluer et shiki 式 correspond à cérémonie, rite, forme. S’il s’agit, aux yeux du néophyte, d’une somme de codification et de règles auxquels nous devons de nous « soumettre » pour des raisons culturelles et historiques, il est pour le budoka avancé la forme et l’expression d’une affection particulière envers le monde qui l’entoure.
Le reishiki tend à encourager le respect du lieu mais également le respect de chaque individu. Il nous pousse à prendre conscience de chaque paramètre de notre environnement pour adopter l’attitude juste garante du respect et de la place de chacun dans le dojo. En soi, elle fait partie intégrante de l’entrainement du budoka.
De règles imposées à l’expression de notre part d’humanité, elles dévoilent progressivement leur richesse pour devenir l’expression symbolique du remerciement, de la salutation, la politesse, la courtoisie, la gratitude, la bienveillance. En outre, au-delà de toute codification, l’étiquette est l’expression d’un respect mutuel nécessaire au juste équilibre d’une société faisant appel à toutes les dimensions essentielles de l’entrainement : Yomi, percevoir, Yoshi, le rythme, Awase, la réunion, Musubi, l’union, etc. En cela, le reishiki correspond, dès notre entrée dans le dojo, au début de notre entrainement mais se place également dans la continuité de nos apprentissages, les deux s’alimentant comme des vases communicants.
Reishiki et le cœur du budoka
Comme l’explique Pascal Krieger dans son article pour Yashima : « une des raisons est que l’étiquette contenait l’agressivité des guerriers d’autrefois. Actuellement encore, l’étiquette tend à encourager le pratiquant à respecter le lieu où il s’entraine et à se contrôler dans tous ses gestes ».
Le reishiki guide l’adepte vers un contrôle de ses émotions, de ses moindres faits et gestes, vers une meilleure perception du monde et un renforcement de l’esprit de bienveillance et de courtoisie chers au budoka. Il n’est finalement pas un simple outil visant une satisfaction personnelle et égoïste mais bien un élément de développement de la conscience à notre environnement puisqu’il intègre en premier lieu le ressentit d’autrui face à nos actes. Il permet au final la mise en place d’un respect mutuel, non par hiérarchisation des statuts, mais par l’exemplarité de chacun mettant dès lors la sincérité de l’acte de bienveillance au centre de l’action. La bienveillance dénuée d’intérêt attire et diffuse alors la bienveillance autour de nous. Elle est au final l’expression du cœur, kokoro, et de l’humanité du budoka.
« La vraie valeur d’un homme réside, non dans ce qu’il a, mais dans ce qu’il est. » Oscar Wilde
Yashima n°7 toujours en kiosque
Pour le numéro 7 de Yashima, actuellement en kiosque, il nous a semblé intéressant avec Xavier Duval de vous proposer « Reishiki » comme thème central. Une thématique d’apparence anodine mais relevant pourtant une importance capitale dans la progression de chaque adepte.
Retrouvez dans ce numéro :
- Reishiki – Pascal Krieger
- Reigi, tendre vers le respect mutuel – Eric Anfrui
- Reishiki : une partition de musique – Régis Soavi
- Aussi utile qu’inutile, l’étiquette – Areski Ouzrout
- Le rei dans la pratique du Kyūdō : viser une étiquette spirituelle et humaniste ? – Laurent Pirard