Au cœur des Budo: adaptation, ouverture et humilité par Mochizuki senseï

J’ai exprimé à plusieurs reprises le profond respect que j’ai envers Mochizuki senseï, le Yoseikan Budo et ses adeptes. Bien qu’après l’obtention de mon 2°dan j’ai fait le choix de quitter mon club d’origine pour me plonger dans l’étude de l’école Kishinkaï Aïkido, je continue d’étudier à mes heures les bases qui m’ont été transmises et suit régulièrement les actualités de l’école Yoseïkan pour alimenter mes réflexions. En outre, Mochizuki senseï est aujourd’hui l’un des rares maîtres contemporains, résident en France, ayant été au contact de géant du Budo parmi lesquels on retrouve Ueshiba Moriheï, Mochizuki Minoru, Ohtsuka Hironori, Michihara Shinji mais aussi des experts français tel qu’Henry Plée ou encore Roger Lafond.

mochizuki-hiroo
A l’heure où les géants du siècle passé s’éteignent peu à peu, je crois qu’il est important de profiter de leur expérience et quelque soit votre discipline d’origine je ne peux que vous conseiller d’aller à sa rencontre. Pour en découvrir un peu plus, je vous propose donc aujourd’hui un reportage réalisé par Karaté Bushido. Au cours de son entretien, Mochizuki senseï revient sur plusieurs éléments qui fondent à mes yeux les bases de l’ensemble des budo:

  • à commencer par la faculté d’adaptation. L’adaptation est élément au cœur des systèmes guerriers. Loin d’être des systèmes figés, les arts martiaux ont su évolué avec leur temps. C’est notamment l’un des points essentiels de formation de chaque membre d’une école car au-delà du travail technique, de l’étude des katas, chaque méthode a toujours cherché à développer cette faculté sachant pertinemment que la réalité est tout sauf prévisible. Savoir s’adapter à l’imprévu, s’harmoniser à aïté, à notre environnement, est sans aucun doute un principe central qui, s’il n’est pas toujours évident à mettre en oeuvre, constitue l’une des clés du progrès.
  • « Les samouraïs avaient beaucoup de faculté d’adaptation mais dans notre société, pour celui qui n’a pas de faculté d’adaptation, c’est difficile d’avancer »

     

  • il aborde également l’ouverture d’esprit à laquelle devrait conduire l’étude d’un Budo. A une époque où une majorité passe son temps dans des débats puérils pour savoir qui possède la meilleure méthode et attirer toujours plus de public, Mochizuki senseï nous parle de l’importance de rester ouvert.

    « Je pense que dans les arts martiaux il ne faut pas entrer dans le moule, il ne faut pas trop entrer dans le système de compétition parce que cela donne une fermeture. Il faut s’ouvrir, penser à aller plus loin »

    Plus nous pratiquons, plus nous avons de certitudes. Cela reste bien évidemment un comportement humain et il nous rappelle que l’homme a toujours été à la recherche d’un absolu. Pour autant malgré ses efforts, il n’y est jamais arrivé, replaçant l’idée de perfection dans sa juste valeur. Ce qui est vrai pour une personne ne l’est pas forcément pour une autre. Chacun se place dans un idéal d’étude et nous avons au final tous à apprendre d’autrui. Il revient notamment sur l’intérêt que revêt pour lui la liberté d’étude accordées aux élèves afin de bénéficier, en retour, de leur expérience et alimenter ses recherches.

  • « Les hommes essayent d’atteindre la perfection mais malgré leurs efforts, même haut plus haut niveau, on n’y arrive pas. Il ne faut pas l’oublier… il faut rester modeste ».

  • La modestie: un des points sur lesquels se clôture l’interview. Au delà du niveau d’expertise, la modestie, l’humilité sont des éléments cruciaux de l’évolution et sans aucun doute la marque des grands hommes.

Un reportage parsemé d’anecdotes sur Minoru Mochizuki, Ueshiba senseï, le tout alimenté par une incroyable réflexion sur l’évolution des arts martiaux japonais. Je vous mets le lien ci-dessous, en vous souhaitant un bon visionnage 😉 :

18 Commentaires

  • DUREISSEIX Jean Luc

    Konnichiwa Alex,
    excellent article présentant cet état d’esprit que Mochizuki Sensei nous a transmis et que j’ai essayé de mon côté à transmettre à mes élèves avec plus ou moins de succès tout en essayant de l’appliquer moi-même dans ma propre pratique et mes recherches.
    Parfois, je me demande si les gens comprennent vraiment les paroles de Mochizuki Sensei quand on voit certaines dérives dans les pratiques des Budo.
    Mata ne.
    Jean Luc

    • Konnichiwa Jean Luc,

      Merci pour ton retour. Effectivement c’est un point que je garde de ton enseignement même s’il m’a fallu du temps pour en comprendre le sens. Je pense que chacun comprend le message de Mochizuki senseï à sa façon. Les avis évoluent avec le temps et au final peu importe si l’ensemble du message est saisi ou non du moment que chacun ne cessent de chercher, remettre sa pratique en question et son mode de pensée. Avec le temps, et en faisant preuve d’ouverture, je reste certain que chacun comprendra la profondeur du message de Mochizuki senseï :-).

      Mata ne,
      Alex

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  • pascal holecska

    Bonjour
    Bel article que celui ci, et merci d’avoir pensé à citer Roger Lafond qui fut mon professeur (je ne dis pas « maître » car il détestait qu’on lui donne ce titre) pendant une vingtaine d’années, je suis d’ailleurs un des derniers professeurs qu’il ait formé. Il nous parlait souvent de sa rencontre avec Mr Mochizuki, rencontre qui les a profondément marqués tous deux apparemment.
    « Avec Panache »
    Pascal Holecska

    • Bonjour Pascal,

      Toutes mes excuses pour le retard de ma réponse :-). Merci beaucoup pour votre retour d’expérience. Effectivement, la plupart des fois où j’ai entendu Mochizuki senseï aborder son parcours il évoque sa rencontre avec M. Lafond dont il parle avec beaucoup de respect. Cette rencontre a sans aucun doute marqué son regard sur les AM, si ce n’est plus, et je ne peux qu’imaginer la chance que de côtoyer M. Lafond.
      Encore merci pour cette anecdote :-).

      En vous souhaitant une agréable journée,
      Alexandre Grzegorczyk

      • pascal holecska

        Bonjour Alexandre,
        Merci pour votre réponse. Oui, ce fut un privilège que de cotoyer Roger Lafond, un personnage haut en couleur, un second père pour moi et un Maître d’armes et d’arts martiaux qui m’a tant apporté, à moi et à beaucoup d’autres.Pour ma part, ayant migré dans le sud ouest depuis peu et n’ayant plus de partenaires d’entrainement ni d’élèves, je vais aller voir un club de Yoseikan à Villeneuve de rivière en Haute Garonne, peut-être y trouverai je de nouveaux partenaires, en espérant que c’est un bon club :o)
        Je vous souhaite une agréable soirée, et peut être à un de ces jours.
        Pascal Holecska

      • Bonsoir Pascal,
        J’ai toujours entendu beaucoup de bien de Mr Lafond tant sur le plan technique, pédagogique, que sur l’homme en lui-même. Et votre retour ne fait que confirmer ce sentiment :-).
        Effectivement, un club de Yoseikan Budo peut être une bonne alternative. J’ai personnellement toujours un bon retour avec chaque pratiquant de Yoseikan que j’ai rencontré, quel que soit le niveau.
        Après pour ce qui est d’être un « bon club » ou non, cela dépend beaucoup de l’enseignant et je reste convaincu qu’il ne faut pas hésiter à aller essayer dans plusieurs endroits pour trouver chaussure à son pied :-). Et pourquoi ne pas envisager d’ouvrir une section pour partager le riche enseignement que vous avez reçu :-).
        Bonne fin de journée et au plaisir de vous rencontrer,
        Alexandre

      • pascal holecska

        Bonjour Alexandre,
        J’ai toujours entendu aussi parler en bien de Mr Mochizuki, sur tous les plans, et j’ai en outre été extrêmement touché(moi et toutes les personnes présentes ce jour là) que Mr Mochizuki ait envoyé une magnifique couronne de fleurs le jour des obsèques de Mr Lafond (ce jour là , aucun représentant des instances dirigeantes de la fédé de boxe française n’a daigné se déplacer) .J’ai le sentiment qu’il y a beaucoup plus d’ouverture d’esprit dans le Yoseikan que dans beaucoup d’autres arts martiaux et/ou sports de combat. J’irai donc essayer le club de villeneuve de rivière, j’y emmenerai aussi mon fils de 6 ans qui me demande tous les jours de faire « de la boxe et du karaté et du judo et du bâton et de la canne » :o). (Oui je suis un « vieux machin  » de 58 ans mais j’ai eu un fils sur le tard ;oD )
        Ouvrir une section, bonne idée, mais comment faire sans aucune connaissance ni réseau dans ma région d’adoption? J’ai déja prospecté pour une salle mais aucune dispo, je vais donc actuellement m’entraîner au « Ring St Gaudinois », trés bon club de boxe anglaise à St Gaudens.
        Au plaisir aussi de vous rencontrer, mais dans quelle région résidez vous? C’est vrai que j’aimerais beaucoup que l’on devise oralement et gaiement ;o)
        Je vous laisse mon tel: 06 98 72 16 11
        Au plaisir de vous entendre, et de vous rencontrer.
        Pascal

      • Bonjour Pascal,

        Merci pour cette belle anecdote.Le problème d’ouverture est malheureusement un élément très présent dans les activités de combat. Personnellement, j’ai toujours eu le sentiment qu’il n’y avait pas de méthode meilleure que les autres et que nous gagnerions bien plus à échanger qu’à nous enfermer dans de puériles querelles.
        Pour ce qui est d’ouvrir une section ce n’est jamais évident. Lorsque je suis arrivée dans ma région actuelle, il n’y avait aucune disponibilité. Nous avons donc loué un local pour créer notre dojo en attendant d’avoir mieux. Trois ans plus tard, à force de demande nous avons enfin eu accès à une structure municipale. Il y a donc la possibilité de demander un local à la mairie, loué un local privé, sinon il reste la possibilité de voir avec les dojos privés pour bénéficier d’une location/horaire et avoir un à deux créneaux dans leur dojo.
        La location d’un local, que l’on transforme en dojo, a le désavantage d’avoir beaucoup de contrainte mais de nous permettre d’être très libre. Pour autant, la location de créneaux dans un dojo privé me semble être une bonne alternative. Reste également la possibilité de proposer des cours en plein air les jours de beaux temps pour commencer à se faire un réseau d’élève et d’habitués :-).
        Je suis actuellement sur Limoges, en Haute-Vienne, mais peut-être aurons-nous l’occasion de nous croiser. Je serais normalement de passage sur Toulouse courant décembre, peut-être l’occasion de se rencontrer? Voici mon adresse mail: alexandre.grzegorczyk@gmail.com
        Au plaisir d’échanger 🙂
        Bien respectueusement.
        Alexandre

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